Mercredi 6 mai :
Petit détour par l’Hôpital à la 1ère heure pour régler qqs trucs avec Félicité (préparation de la bonne nouvelle de ce soir !!), et le mercredi c’est toujours le grand ménage dans l’hôpital : chaque personnel entretient son service et les alentours (ménage, désherbage, il faut être polyvalent ici !).
Et c’est reparti pour une grosse journée de cours à l’UDM à partir de 9h, mais cette fois avec les 2ème et 3ème années.
Avec Hervé nous commençons par un cours à 2 voix sur les Mises en Situation Professionnelle (MSP) qu’ils vont être amenés à faire à chaque fin de stage et pour le diplôme. Il nous paraissait important de leur en reparler, au vu des lacunes de méthodologie constatées avec Phérénice hier.
Puis j’enchaine avec mon cours de Travaux Pratiques sur la rééducation du rachis. Un ami médecin ophtalmo de Bafoussam a appelé hier car il a mal au dos et il aimerait qu’on le voie en kiné ; nous lui avons donc proposé d’être le patient « cobaye » de mon TP du jour, ce qu’il a accepté sans problème. Quoi de mieux que d’apprendre sur un vrai patient ?!
Surtout que son cas est un peu complexe : il présente une lombosciatique qui commence à donner des troubles sensitifs et surtout moteurs au membre inférieur… C'est-à-dire qu’il a un début de paralysie des muscles du pied et une boiterie de type steppage ; bref des signes de gravité d’une compression du nerf sciatique. Excellent cas pour mes étudiants, cela nous permet de revoir tous les bilans, mais aussi les tests neurologiques et la toxicité de la délordose lombaire en position assise (ses douleurs sont augmentées quand il opère, assis pendant plusieurs heures), ce qui nous amène à faire un peu de McKenzie aussi. Pour simplifier pour les non kinés: en gros ce patient a le bas du dos en enroulement alors que normalement on est cambré, or cet enroulement est néfaste pour les disques et peut donner une hernie discale qui peut aller comprimer la racine des nerfs (sciatique, cruralgie).
A noter qu’il a déjà vu un « pseudo kiné » (je le cite !) qui au contraire l’a fait travailler en enroulement, il a préféré arrêter d’y aller car c’est depuis ça que sa sciatique a commencé… Il faut dire que ces dernières années de nombreux kinés auto proclamés fleurissent un peu partout au Cameroun…
Bref, nous avons donc travaillé avec lui la fin de matinée, et il sera ensuite suivi par Félicité la chef du service kiné de Mbouo pendant plusieurs mois.
Puis l’après-midi nous revoyons le diagnostic kiné et des techniques de mobilisations du rachis, et nous terminons par un TP sur les ballons de Klein que nous leur avons amenés. Problème : en 2 minutes les ballons sont déjà oranges, plein de terre… ! lol
Le soir, c’est un chauffeur de l’UDM qui me ramène à Mbouo car je suis un peu pressée : nous avons convoqué Félicité et son mari à 19h à la maison avec Hervé et le médecin chef…
Voici donc la bonne nouvelle, négociée hier soir avec le médecin chef……… : Félicité va intégrer la formation en masso-kinésithérapie de l’Université des Montagnes en septembre et pour 3 ans, afin d’avoir officiellement la licence de kiné !!! En effet elle n’a qu’une formation d’infirmière, et c’est nous bénévoles de l’association Adikiné qui l’avons formée à la rééducation depuis 2008, alors que la filière officielle universitaire n’était pas encore mise en place.
Le médecin chef s’engage à ce que l’hôpital continue de verser son salaire à Félicité, qui en contrepartie s’engage à rester travailler au moins 5 ans à Mbouo.
Ensuite, pour le financement de la formation en elle-même, Adikiné et Biagne vont discuter sur comment trouver des fonds…
Bref, c’est une belle conclusion de la mission lancée par Adikiné depuis 2008 ici, car Félicité est vraiment reconnue comme la référence en kinésithérapie, tant par les médecins que par les stagiaires qu’elle accompagne, il ne lui manque que le diplôme officiel !
Mais pas le temps de célébrer cette bonne nouvelle, car avec Hervé nous devons aller à Bafoussam revoir mon patient de ce matin le Dr F pour améliorer l’ergonomie de son poste de travail à la clinique.
Il fait beaucoup d’interventions chirurgicales où il opère en position assise pendant des heures, nous commençons donc par un tour au bloc opératoire où nous corrigeons au mieux son siège, mais c’est assez compliqué car relié à un microscope opératoire… Nous allons ensuite à son bureau pour corriger le poste de travail informatique, et enfin nous terminons par la voiture, pour laquelle il n’y a pas vraiment de solution miracle vu les énormes cratères qui parsèment les routes ici à l’Ouest… !
Retour à la maison à 22h, après une journée marathon, et nous mangeons un bon coki qui nous cale bien ! (c’est un gâteau de haricots secs avec de l'huile de palme, du piment et condiments, cuit dans une feuille de bananier)
Jeudi 7 mai :
Aujourd’hui c’est le grand jour !! Phérénice va présenter sa soutenance de mémoire, dernière épreuve pour l’obtention de son diplôme ! Nous commençons avec un peu de retard car il y a eu un quiproquo : Phérénice et sa famille sont au campus de Banékané alors que nous les attendons à Mfetom… !
Le jury est composé du Dr Mandangue, responsable de la filière kiné de l’UDM, du Dr Nkoum de l’UCAC (Université Catholique d’Afrique Centrale), d’Hervé Mogto cadre kiné en France et président de Biagne et de moi-même.
Le mémoire clinique de Phérénice présentait un cas de gonarthrose sévère dans un contexte d’obésité, cas assez fréquent ici au Cameroun, avec un traumatisme associé (chute en hyperflexion et varisation importante). Elle a choisi d’orienter sa soutenance sur l’intérêt de la rééducation proprioceptive et aussi de démontrer l’importance de l’éducation thérapeutique du patient.
Excellente prestation, Phérénice est très éloquente et pédagogue, même si nous revenons avec elle sur qqs détails, et le Dr Nkoum en particulier sur la méthodologie (il enseigne la méthodologie à Yaoundé, nous en profitions pour l’inviter à venir donner des cours à nos étudiants kinés de l’UDM ;)
Puis, sous l’œil des caméras et d’une salle pleine, le jury se retire pour délibérer……
Verdict : 15,5/20 pour le travail écrit, et 18/20 pour la soutenance !
Les MSP de mardi ayant été validées, nous revenons donc annoncer à Phérénice qu’elle est diplômée !!! La 1ère licenciée en masso-kinésithérapie !!!
Après les embrassades et les youyous, sa famille invite toute l’assistance à un grand repas de fête dans les jardins de l’université. Cela se termine par un émouvant discours de Phérénice, et bien sûr le champagne !!
Toute sa famille est très fière d’elle, et nous autant évidemment !!
Après les festivités je m’éclipse avec Estelle et Josiane, deux collègues de promo de Phérénice qui vont passer leur diplôme en juillet, pour travailler ensemble sur leurs mémoires. Estelle présente le cas d’une patiente tétraplégique de 25 ans, et Josiane celui d’un patient avec un syndrome de la queue de cheval compressif.
Et la fin d’après-midi est mon 1er quartier libre de la semaine !! Enfin !!
J’en profite pour aller boire une bière à Bangangté avec mon confrère Mr Abah, coordinateur de la filière kiné, accompagnée d’un bon chawarma.
Puis des amis nous rejoignent pour continuer la soirée autour de qqs Guinness et soya (brochettes).
Vendredi 8 mai :
Jour férié en France, mais moi je travaille… !
Je continue avec les travaux pratiques de rééducation du rachis.
Nous revoyons notre patient ophtalmo, il y a déjà une amélioration depuis 2 jours, c’est encourageant !
Et aujourd’hui il nous a également emmené sa fille de 12 ans, qui présente une scoliose avec des déformations assez nettes. Elle a passé une radio hier, qui montre une hypolordose lombaire alors que cliniquement elle semble plutôt en hyperlordose… Bizarre… Et contre toute attente on a compris où était le problème : la radio avait été faite en position assise !! Pffffff….. Du jamais vu… ! Du coup nous lui avons fait un bilan clinique complet avec les étudiants, et elle sera également suivie à Mbouo par Félicité.
Puis une 3ème patiente nous attend. C’est une maman qui souffre de lombalgie depuis qqs temps, et qui depuis mardi sent ses jambes « faibles »… A l’examen (et déjà juste à sa démarche puisqu’elle arrive à peine à marcher), il ne nous faut pas longtemps pour comprendre qu’elle a un problème neurologique grave, avec un début de paralysie des 2 membres inférieurs, certainement une compression au niveau de la queue de cheval… Du coup branle-bas de combat : elle doit passer un scanner en urgence ! Il y en a un à Bafoussam, nous lui conseillons de s’y faire amener tout de suite. Nous apprendrons plus tard que le scanner est en panne, il faudra donc qu’elle aille à Yaoundé, 4h de trajet, mais là bas il y a un neurochirurgien. Au moment où je vous écris, nous attendons tjrs des nouvelles de la patiente…
Du coup, avec tout ça à gérer, la pause repas est un peu écourtée, et nous terminons le TP l’après-midi avec un autre cas de lombalgie, cette fois plus simple, sur un mécanicien, avec un rééducation assez classique, axée surtout sur l’éducation posturale et la manutention.
Les étudiants se débrouillent de mieux en mieux déjà au bout de 2 jours, c’est encourageant.
D’ailleurs hier puisqu’il n’y avait pas cours en raison de la soutenance, je leur avais demandé de se faire des bilans entre eux et de les rédiger type MSP ; j’ai corrigé leurs copies pendant le retour en bus à Mfetom, et ils ont plutôt bien travaillé J
Et le soir, pas de répit, Paul le chauffeur de l’UDM me conduit directement à Bafoussam chez notre ami le Dr Faustin où mes collègues sont déjà arrivés. Un excellent repas nous attend, arrosé de vin sud-africain, un régal !
Samedi 9 mai :
Dernière matinée à l’Université, où avec Hervé et Mr Abah nous faisons le point avec les 3 promotions de kiné sur ce qu’on a fait cette semaine, ce qu’on attend d’eux, ce qu’ils doivent encore retravailler etc.
Je retrouve aussi Kristelle la 4ème étudiante de la promo de Phérénice, qui est enceinte, et avec qui j’ai travaillé sur la rédaction de son mémoire.
Puis petite séance photo avec tous les étudiants, et Roselyne et moi recevons chacune des cadeaux de la part du service coopération, c’est super sympa !
Ensuite Roselyne et Hervé doivent partir, ils prennent l’avion ce soir à Yaoundé.
Moi je ne repars que demain, donc je vais profiter de ma dernière journée pour enfin me poser un peu chez moi à Mbouo.
J’avais promis aux enfants de Lazare qu’on ferait notre goûter crêpes, tradition perpétuée tous les ans depuis 7 ans ! Ils se débrouillent comme des chefs maintenant pour faire sauter les crêpes, même Umberto s’y met aussi ! Crêpes au Tartina bien sûr ! (la pâte à tartiner locale)
Félicité passe un moment à la maison aussi, elle a rédigé sa lettre de motivation pour sa demande de formation et voulait mon avis concernant la formulation. Je suis vraiment très fière d’elle et de ce qu’elle a fait du service de kiné. Quand on repense qu’en 2008 elle songeait à démissionner tellement elle nous en voulait de l’avoir nommée chef de ce service car elle ne s’en sentait pas capable… Bravo Félicité !
Entre temps j’apprends qu’Hervé et Roselyne ont raté leur avion, gros embouteillages à Yaoundé… Du coup on prendra l’avion tous ensemble demain finalement.
Puis c’est au tour d’Henry Wafo de passer me rendre visite. C’est vrai que cette mission était trop courte et trop chargée pour aller travailler avec lui à Bafoussam mais on se rattrapera la prochaine fois ! D’ici là il aimerait intégrer une formation d’ortho-prothésiste. En effet il est un peu dans la même situation que Félicité : reconnu pour ses compétences dans son domaine de l’appareillage, il travaille également au Nigeria et au Tchad pour appareiller des enfants et des amputés, mais il n’en reste pas moins qu’il est autodidacte et n’a pas de diplôme officiel.. Donc si qqn parmi nos lecteurs a un contact pour une formation, faites nous signe ;)
Ensuite alors que je commence à préparer ma valise, c’est Gaby qui vient à la maison, suivi du médecin chef avec un de ses confrères, et ils m’embarquent à 23h pour une virée à Bafoussam, histoire de finir le séjour en beauté ! Après une Guinness dans un cabaret, nous rejoignons mon ami David et ses collègues dans un autre cabaret. Excellente soirée, couchés à 3h30 !
Dimanche 10 mai
Ça y est le jour du départ est arrivé… C’était vraiment trop court !
Lever 7h30 (dur !), et Lazare le médecin-chef m’amène à la gare routière où il m’a déjà réservé une place dans un car. Nous y sommes à 9h, mais le temps que le car se remplisse et que les bagages soient fixés sur le toit, on décolle à 10h.
On roule à peine depuis 2 min qu’on se fait déjà contrôler par les flics… Contrôle d’identité de tous les passagers : on est une trentaine et 2 n’ont pas leur carte d’identité… Du coup négociations pendant 15min et on reprend la route…pour encore se faire arrêter un peu plus loin à Bandjoun à un autre contrôle : nous sommes en surcharge (comme tous les cars et taxis ici en fait ! 5 personnes pour 4 sièges). Le chauffeur a « parlementé » pendant 50min… Bref déjà 1h de perdue et on n’est qu’à Bandjoun… Du coup pour ne pas encore perdre de temps pour les 4h restantes de trajet, à chaque contrôle le chauffeur anticipe : il fait sortir les 2 personnes sans carte juste avant le poste de police, ils prennent une moto pour passer le barrage et on les récupère juste après… Classique !
Arrivée à Yaoundé c’est la sœur de Lazare qui me récupère et m’amène direct à Nsimalen (l’aéroport), pas de bouchon, on y est vite, du coup j’enregistre direct mes bagages, et c’est là que je retrouve ma collègue Roselyne ! Du coup en attendant notre avion on coupe une dernière Guinness à l’aéroport, avec un croque monsieur (spéciale dédicace à Marlène : j’aurais bien voulu manger un Neuf, mais ils n’en font plus^^)
Vol de nuit, escale à Bruxelles, et nous sommes arrivés à Lyon à 12h.
C’était une mission express mais avec un programme très chargé, et surtout très symbolique : nous avons diplômé la 1ère licenciée en masso-kinésithérapie, et Félicité va intégrer l’université ! Que de bonnes nouvelles pour la kinésithérapie au Cameroun !
Merci d’avoir suivi mes aventures, « on est ensemble » comme on dit au Cameroun !
Vanessa